VILLENEUVE SAINT-DENIS
Sa région, son histoire
Villeneuve Saint-Denis, Sanctus dionisius la Villa Nova ; patron, Saint-Denis ; autrefois paroisse de l’archidiaconé de Brie ; doyenné de Lagny ; collateurs, les religieux de Saint-Denis ; généralité de Paris ; élection de Meaux ; 100 communiants (aujourd’hui 375 habitants).
Villeneuve Saint-Denis, borné du côté midi, par la forêt de Crécy, est dans une plaine de labourages, sans vignes.
L’église de ce lieu n’est bâtie qu’en forme de chapelle. Celle que Hugues Foucauld, abbé de Saint-Denis, avait fait construire ne subsiste plus. Celle d’aujourd’hui n’a guère que 272 ans de bâtisse. Il ne faut point douter que Saint-Denis, apôtre de Paris, n’ait été patron de l’ancienne. C’était ordinaire des religieux de l’abbaye, de donner aux paroisses de leurs terres le nom de leur église, et il n’en faut point d’autres preuves à l’égard de celle-ci que le nom du village. A Villeneuve Saint-Georges, c’est Saint-Georges, qui est le patron de l’église. Pourquoi n’en eût-il pas été de même ? Mais il a pu se faire que quand on a béni l’église d’aujourd’hui, les habitants qui voyaient que la Saint-Denis était fêtée dans tout le diocèse (celui de Paris dont elle rassortissait alors), aient souhaité avoir un second patron pour le fêter en particulier, et que les religieux de Saint-Denis, leur ayant donné des reliques de Sainte-Christine, dont ils disaient avoir le corps en leur prieuré d’Argenteuil, cela les ait déterminés à la prendre pour patronne en second.
Il n’y a, dans cette église, aucune sépulture remarquable que celle d’un des derniers seigneurs de La Guette, fief alors assis sur la paroisse, qui peut être le nom d’un ancien possesseur de ce fief. On trouve un Dreux La Guette, valet de chambre du roi Philippe-le-Bel en 1307, auquel ce prince donna les biens de Jean le Grand, portier du roi, a lui échus, parce qu’on disait que ce le Grand était bâtard. Mais, sans remonter si haut, il y avait, au XVIème siècle, un Jean de La Guette, lequel, pour demeurer quitte envers le roi, de six mille trois cent cinq livres, étant condamné, en 1554, céda au roi la terre de La Guette (distraction faite préalablement pour Marie Saligot sa femme) avec les fiefs de Jossigny, etc. On trouve aussi que Jean Davy du Perron, frère du cardinal, fut seigneur de La Guette. En 1626, cette terre était possédée par Boniface François Broc, président aux requêtes.
En 1723, Pierre Martin est qualifié seigneur de La Guette dans un factum qu’on a vu.
On ne manqua pas en rédigeant le Pouillé de Paris, au XIIIème siècle, un peu après l’érection de cette paroisse, de la mettre au rang de celles de la nomination de l’abbé Saint-Denis, sous le titre de Villa nova ; et tous les pouillés subséquents s’y sont conformés. L’Abbé ou le couvent jouissait non seulement de la seigneurie et du patronage, mais encore des grosses dîmes. Il y avait eu, dès l’an 1218, une enquête sur les novales de cette paroisse, faite par Guillaume, archidiacre de Paris, et par Hélie, aumônier de Saint-Denis, il est marqué qu’ils renfermèrent, dans l’étendue de leur territoire, des terres situées sur le ru pierreux (in rivo petroso) jusqu’aux essarts de Serris, et depuis le bois de Serris jusqu’au bois du Roi.
Le village de Villeneuve Saint-Denis a été oublié dans la carte des environs de Paris donnée au public, l’an 1674, par l’académie royale des sciences ; et M. de Valois, dans sa notice, l’a confondu avec l’autre Villeneuve contigu, lorsqu’il a écrit que Villa nova du doyenné de Lagny, dont la cure était à la nomination de l’abbé Saint-Denis, s’appelle autrement Villa nova Comitis, Villeneuve-Le-Comte. Peut-être a-t-il été induit en erreur par l’académie où il n’y a que ce dernier Villeneuve.
Dépendances : Cinq hameaux : 1er Bel-air ; 2ème la Dénicherie, dans lequel est une ferme du même nom ; 3ème le Bout du Monde ; 4ème le Gibet Gambet, placé au nord dans la plaine entre Villeneuve et Serris, canton de Crécy ; 5ème Montmidi. Le château de la Guette, etc., etc.
Dépendances. Le Château de La Guette appartient à M. Roussel de Paris. Dans le village, trois fermes : l’une dite la Ferme du Château, à M. Brunet de Guermantes ; l’autre dite la Ferme Saint-Denis, à M. Parent de Paris et la 3ème à madame veuve David.
Au XIème siècle, la limité séparant les domaines du Roi de ceux du Comte de Troyes et de Meaux s’est peu à peu fixée entre 1015 et 1063. Elle forme sur la carte une ligne sinueuse joignant les environs de Montereau à ceux de Meaux, à travers l’actuel département de Seine-et-Marne en passant près de Nangis et de Lagny.
Le comte de Troyes et de Meaux (qui prendra plus tard le titre de Comte de Champagne) s’est assuré le contrôle d’importantes voies de communications :
- La Seine jusqu’en aval de Montereau,
- L’Yonne,
- La Marne jusqu’à Lagny,
- L’ancienne voie romaine reliant Sens à Meaux.
C’est que le trafic qui anime ces voies procure au prince féodal d’importantes ressources.
La région frontière ou « marche » était alors bien différente des frontières actuelles. C’était une bande de territoire de plusieurs kilomètres de largeur, souvent ravagée par la guerre féodale. Simples donjons de bois, les châteaux étaient incendiés souvent. Les cultivateurs évitaient de s’établir dans cette marche, qui restait déserte, couverte de friches et de bois.
La marche a été colonisée aux XIIème et XIIIème siècles. Dans les limites de l’actuel département de Seine-et-Marne, environ 25 000 personnes seraient venues s’installer dans cette zone frontière. Pour quelles raisons ?
- L’anarchie féodale s’atténue. Les grands princes féodaux pacifient leurs domaines.
- L’activité économique connaît une renaissance remarquable. Le commerce s’anime à nouveau, les voies de communication, l’industrie et l’agriculture se développent.
- La population augmente rapidement. Il faut trouver de nouvelles terres.
- Au XIIIème siècle, le château construit en pierre remplace le château construit en bois.
- Il est plus facile de tenir les frontières des domaines féodaux, d’en assurer la sécurité. Les populations peuvent s’y établir.
Le peuplement de la marche briarde est l’aspect local d’un phénomène plus général. Aux XIIème et XIIIème siècles, en France comme dans la plupart des pays d’Euro occidentale, de vastes zones boisés ont été gagnées sur la culture. Tantôt on défriche ces zones boisées et on y crée des fermes isolées ou de petits villages ; tantôt les seigneurs laïques ou ecclésiastiques créent des villes neuves dotées de chartes de franchise qui doivent y attirer des colons (Villeneuve-le-Comte, Villeneuve-Saint-Denis, Villeneuve-aux ânes, Villeneuve-la-Hurée, Villeneuve-les-Bordes, etc.) Ces créations furent de véritables entreprises de colonisation que les seigneurs, poussés par le besoin d’augmenter leurs revenus, ont établies sur les terres incultes de leurs domaines.
Pour recruter la main d’œuvre nécessaire, ils firent appel à tous les paysans, libres ou serfs, disponibles en plus grand nombre par suite de l’accroissement démographique contemporain. Toutefois, l’ampleur même du mouvement déclencha une telle concurrence entre les seigneurs qu’ils furent obligés, pour attirer les paysans, de leur accorder des avantages importants.
De la fondation de Villeneuve-Le-Comte : circonstances particulières
Lorsque Gaucher de Chatillon, Grand Officier du Comté de Champagne, Seigneur de Crécy en Brie, rentre en France en 1190 après dix années passées en Terre Sainte, il a la désagréable surprise de constater que l’abbé de Saint-Denis a fondé, depuis quelques années, une ville neuve à proximité de la frontière occidentale du Comté de Champagne (Villeneuve-Saint-Denis).
Il saisit l’occasion de fonder, avec l’aide de sa femme Élisabeth, sur un lieu défriché de la forêt de Crécy, la ville neuve du Comte de Saint Pol (en l’honneur du père d’Élisabeth). Le prétexte est bon, non seulement Villeneuve-Le-Comte renforcera la frontière de Champagne et fera front à Villeneuve Saint-Denis, mais aussi et surtout elle va permettre un contrôle renforcé de la route de Meaux – Sens, sur laquelle elle est construite. De plus, elle fournira un dérivatif à l’explosion démographique qu’il n’est plus possible de contenir, dans les murs de Crécy en Brie et les plus mauvis sujets du Comte seront fermement invités à s’y exiler.
Pour assure le succès de cette entreprise de peuplement, les habitants de Villeneuve-Le-Comte « les bourgeois » reçurent un statut avantageux sous forme de charte de franchise dont les dispositions fixent les coutumes et les libertés octroyées par le seigneur (charte de 1203).
Aux nouveaux venus, les seigneurs concèdent, en échange de redevances et d’obligations précises, une maison, un jardin et un lot de terre de culture plus ou moins grand. A ces concessions fondamentales s’ajoute un certain nombre de facilités matérielles non moins appréciables.
Parmi les plus importantes, la création d’un marché sur lequel « les bourgeois » et les étrangers à la commune, pourront acheter et vendre sans payer ni taxe ni transport (conduit) ni droit de douane (tonlieu). De plus les fondateurs s’engagent à construire, à leurs frais, un four et un moulin où en vertu du droit de commandement seigneurial (le ban), les habitants viendront obligatoirement et contre paiement d’une redevance en nature, cuire leur pain et moudre le blé. Enfin, les paysans bénéficieront de très utiles droits d’usage tels que la permission de couper, dans la forêt domaniale, le bois de chauffage (mortbois), d’y mener leurs animaux et le droit d’utiliser l’eau des rivières.
La disposition des maisons et des rues de Villeneuve-Le-Comte, telle que nous le font connaître les plans d’intendance et de cadastre, offre l’aspect géométrique et caractéristique de ces sortes de fondations, dont la vacation était à la fois économique et militaire. On constate aisément que le terroir villageois présent l’aspect dune clairière de défrichement ouverte au milieu de la forêt de Crécy. On notera aussi la proximité de la frontière royale, ce qui explique les fortifications du village. Délimitée par une enceinte de pierre percée de quatre portes flanquées de tours, bordée de larges douves (l’ensemble a aujourd’hui disparu et est remplacé par des boulevards). La ville neuve a la forme d’un octogone divisé en damiers plus ou moins réguliers par les abords desquels s’alignent les maisons et les jardins « des bourgeois ». Au delà de la muraille commence les champs découpés en parcelles.
La charte détermine de façon très précise les redevances et obligations des immigrants. Ils ne sont pas assujettis à la taille, mais ils doivent payer au seigneur, propriétaire des maisons et des terres, un cens annuel de 12 deniers et lui verser deux deniers pour chaque fauchaison des prés. A cet égard, la fondation de Villeneuve est une affaire profitable pour Gaucher de Chatillon. En revanche, il n’impose pas de corvées et réduit son prélèvement sur les récoltes et les amendes, de même qu’il réduit l’obligation du service de l’armée seigneuriale.
La charte de 1203 confère à la ville un certain nombre d’avantages dont ne bénéficient pas d’autres communautés d’habitants. En effet, les « bourgeois » ont le privilège d’élire, pour un an, un maître et des échevins. Ces derniers ont le pouvoir considérable d’établir les règlements administratifs et de rendre la justice moyennant le droit de prélever à leur profit, une partie des amendes et la jouissance de quelques faveurs et exemptions. Néanmoins l’autonomie communale reste limitée puisque le maire et les échevins prêtent serment au seigneur. La charte énumère méticuleusement les peines et les amendes infligées aux délits et aux crimes. Enfin « les bourgeois » dépendent que du seul tribunal communal.